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Philippe Vacher

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Echos

Il y a des architectures qui survivent, au delà de leur ancien usage, grâce à leur caractère très particulier. C'est bien le cas du château d'eau de la ville de Bourges si l'on oppose l'aspect délibérément décoratif de sa façade extérieure à la grande sobriété de son espace intérieur développant une ambiance mystérieusement monacale.

Certes, comme tout lieu circulaire, il en possède la magie avec ses deux déambulatoires surmontés d'une voûte en berceau. Les structures verticales des piliers rythment notre cheminement qui se renouvelle, en quête d'un repère spatial. Nous sommes comme plongés dans le ventre d'une architecture insolite aux formes rigides et souples, mariant les majestueuses verticales et les courbes généreuses. Le corps de cette structure révèle en plus toute sa sensualité de pierre quand celle-ci se dévoile pudiquement à la lumière.

Imaginons un instant que nous parcourions ce lieu dans une obscurité vespérale. Nos pas se perdraient dans une ronde infinie que l'écho des voûtes amplifierait pour mieux nous égarer. Oui, ce lieu est impressionnant ; il est l'expression d'une contraction des volumes autour de son axe central dans le petit déambulatoire et, en même temps, il dilate l'espace en invitant le regard à sonder la hauteur et l'ampleur des voûtes qui rayonnent dans les niches du déambulatoire extérieur. Nous sommes confrontés à des perspectives inhabituelles qui se dérobent à notre regard et nous suggèrent une mise en écho des piliers, des arcatures, de leurs inflexions dans toutes les directions, comme autant de réponses à notre questionnement visuel, pris dans le vertige des contre-plongées.

Echos

Mon parti pris plastique se proposait de conjuguer la répétition et la déformation des volumes intérieurs en rappelant la raison d'être du lieu, l'élément liquide, de façon virtuelle et réelle. L'eau est suggérée par l'utilisation de la couleur bleue et la multiplicité des rythmes courbes qui remodulent l'espace, évoquant le contenant et le contenu. Les matériaux choisis comme les tuyaux reprennent déjà la structure circulaire. Cercle, demi-cercles sont des motifs récurrents qui engendrent la plupart des figures dessinées sur les différents supports choisis. Les relations entre les verticales, les courbes, les obliques, leurs projections en contre-plongée sur des surfaces planes ou cylindriques, impliquant des distorsions et variations de lecture selon les points de vue, constituent la trame de mes multiples interprétations plastiques. Quelques installations suggèrent leur propre écho en utilisant les formes tubulaires et en jouant sur la variété de leur positionnement dans l'espace des grandes niches : accrochage vertical ou positionnement oblique, suspension et effet cinétique évoquent le cheminement en boucle dans l'architecture.

L'utilisation majoritaire des contrastes en noir et blanc est destinée à nous ancrer dans l'ambiance plutôt austère du lieu. Un tel choix, tempéré par la présence de valeurs intermédiaires comme le gris ou la couleur bleue symbolique, a pour fonction de polariser notre regard sur les pièces ou les installations. N'oublions pas que le principe essentiel de la sculpture est d'habiter l'espace par un double jeu, celui du rayonnement et de l'aimantation, l'un et l'autre pouvant s'affirmer davantage dans tel mouvement artistique ou telle oeuvre particulière.

L'élément liquide est présent dans des volumes cylindriques en verre qui jalonnent le noyau central. On y retrouve une série d'épreuves numériques immergées qui subissent de nouvelles distorsions optiques en liaison directe avec le déplacement du spectateur. Cette proposition conjugue la magie des métamorphoses et des anamorphoses.

Les fenêtres m'ont posé un problème particulier. Elles ne sont pas implantées régulièrement à la périphérie de l'ouvrage et leurs formes carrées ou rectangulaires semblent troubler l'harmonie de l'ensemble bâti. C'est pourquoi bien des artistes ont préféré ne pas les prendre en compte. Pour ma part, j'ai décidé au contraire d'utiliser leur volume creux en soulignant leurs rythmes orthogonaux comme des contrepoints aux rythmes majoritairement courbes de l'édifice.

Un lieu magique se suffit toujours à lui même. Point n'est besoin de l'habiller si ce n'est avec une simple parure de lumière. Mais ce château d'eau a désormais une nouvelle vocation, celle d'être un lieu d'art. Ainsi, de nombreux intervenants ont pu disposer leurs œuvres dans cet espace impressionnant en jouant sur les échelles, les formes, les couleurs et les matières les plus variées.

Echos

Mon exposition est intitulée « Echos ». C'est un hommage direct au site. Elle utilise un vocabulaire formel qui est déjà le mien, par exemple celui des formes cylindriques et toutes les formes géométriques élémentaires. Elle souligne ma problématique artistique : dynamiser ces formes dans l'espace, suggérer des lectures polyrythmiques en jouant sur des partitions contrastées dont la lecture peut être induite par le déplacement du spectateur. Elle amplifie ma stratégie en déclinant les déformations visuelles jusqu'à l'anamorphose. Enfin, elle s'appuie sur mon expérience des installations. En référence à Buren, je considère que l'œuvre est un outil visuel qui dialogue avec le lieu : elle modifie la lecture de l'espace et, en retour, ce dernier conditionne sa propre lecture.

J'espère que le spectateur a été à la fois troublé et séduit par ma proposition. En effet, il ne peut y avoir création sans cette forme de surprise initiale qui induit une nouvelle forme de perception. Je ne revendique rien de révolutionnaire dans le langage abstrait qui est le mien. Je vous ai invité simplement à une redécouverte du lieu fécondé par mon imaginaire et mon expérience sensible d'artiste. Cette exposition reste importante pour moi par son ampleur et sa singularité. Elle concrétise l'évolution de mes recherches. Elle a été l'occasion d'un rendez-vous singulier avec un public apprivoisé ou non à l'histoire artistique de l'ancien château d'eau de la ville de Bourges.

Philippe Vacher – mars 2011